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Dominos
par Dominique Franceschetti

Lorsqu'en novembre 1989, les télévisions du monde entier montraient les images du Mur de Berlin entrain d'être détruit à coups de pioches par les jeunes Allemands, chacun avait conscience qu'il assistait, là, en direct, à un des moments les plus importants de l'histoire du XXième siècle. La chute du régime d'Erik Honecker, le plus fidèle à l'orthodoxie stalinienne et le plus hostile à la tentative de démocratisation impulsée par Mikaïl Gorbatchev, donnait le signal du mouvement de dominos qui allait entraîner l'effondrement des régimes socialistes et l'implosion de l'URSS. L'immense espoir soulevé en 1917 parmi les peuples du monde entier fut donc victime du syndrome stalinien qui transforma une tuopie généreuse en une sanglante dictature. Cet échec politique, doublé d'une faillite économique, signifiait-il pour autant "La fin de l'histoire" comme certains ont cru pouvoir le claironner?

Ce qui a été bien hâtivement interprété par nombre "d'experts" comme la victoire d'un modèle sur un autre a encouragé les hérauts de l'ultra-libéralisme à accélérer plus encore la révolution conservatrice à l'oeuvre depuis l'ère Reagan-Tatcher et à pronostiquer dans la foulée, comme Alain Minc, la mondialisation heureuse. Heureux les Russes, les Coréens, les Indonésiens, les Thaïlandais, les Malaisiens, qui goûtent aujourd'hui aux fruits amers de cette mondialisation qui se solde en millions de chômeurs.

La crise asiatique de 1997 n'est-elle pas le premier des dominos qui va entraîner l'ensemble de l'économie mondiale dans une crise sans précédent avec à la clé des ravages sociaux d'une ampleur insoupçonnée?

La Japon, la deuxième économie du monde, est entré en récession. Son système bancaire est au bord de l'implosion en raison du poids colossal de créances douteuses estimées à ... 850 milliards de dollars. La déstabilisation du Japon et la banqueroute des "dragons" fragilisent le géant chinois, qui, pour faire face à la concurrence commerciale de ses voisins, risque d'être acculé à son tour à la dévaluation. Cette dévaluation serait déterminante dans l'aggravation de la crise internationale, provoquant de nouvelles réactions en chaîne.

La Russie a été à son tour sapirée dans ce maëlstrom après que la chute du cours des matières premières, et en particulier du pétrole qui constitue pour ce pays la principale source de devises en dollars, a provoqué un effondrement du rouble e tune hyper-inflation. La faillite des recettes ultra-libérales avec en particulier la "thérapie de choc" a précipité une crise politique majeure dans un Russie désormais exangue.

Enfin, l'Amérique du Sud, qui représente pour les entreprises américaines des débouchés commerciaux vitaux, est menacée.

Les éléments d'une crise de première ampleur du système néo-libéral son en place: la crise asiatique, avec un oeil du cyclone centré sur le Japon, une Russie au bord du chaos, une Amérique latine qui subit une baisse du prix des matières premières. un nouveau mouvement de dominos se met en place sous nos yeux.

Qui, dès lors, peut croire que l'Europe demeurerait à l'abri de telles secousses? Alors que tous les clignotants sont au rouge, un silence assourdissant se fait entendre. Celui du Politique. Un silence qui vaut aveu d'impuissance. Les dirigeants occidentaux ont procédé à une dérèglementation tous azimuts, abandonnant une à un ele sprérogatives de la puissance publique, faisant confiance au seul Marché pour réguler les flux économiques et assurer les idnispensables équilibres sociaux. Au nom d'une prétendue modernité et d'une soi-disant nécessité d'adaptation, les gouvernants ont procédé au démantèlement de l'Etat, coupable à leurs yeux d'archaïsme.

Aujourd'hui, les Etats, affaiblis, sans moyens d'intervention au regard de la puissance de feu des marchés financiers, sont impuissants à enrayer cette crise structurelle, ou même à en atténuer les effets les plus dévastateurs. Face aux enjeux de cette fin de siècle et à la dévitalisation de la sphère politique, les citoyens n'ont d'autre choix que de reprendre l'initiative pour "se réapproprier ensemble l'avenir de notre monde".

Paru aussi dans Le Ciotat Magazine (n°11 - sept 98)

 

 

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