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EN FINIR AVEC LA DICTATURE DES MARCHES FINANCIERS

Comment un simple citoyen peut réfléchir et intervenir sur cette question.. Je suis avant tout économiste local, c’est à dire travaillant en collectivité locales (communes) sur les questions du développement économique. J’ai travaillé 7 ans en Seine st Denis, puis après un détour par Vitrolles où j’ai connu l’ère Anglade, sa dégénérescence, et le F.N, la Mairie de La Ciotat m’a accueilli pour l’aider autant que faire se peut sur ces questions du développement économique.

Mon intervention en 4 points est un peu le produit de ce parcours de connaissance en économie théorique (Université), et de sa confrontation avec le réel, l’économie des territoires concrets... les Communes.

I EN FINIR AVEC LE LATIN GESTIONNAIRE :

Je pourrais utiliser Marx mais Molière est tout aussi utile. Rappelons nous, ses pièces de théâtre s’en prenait aux docteurs. Pour être docteur, il fallait savoir parler latin, au nom de quoi une personne malade subissait les fameuses " saignées ", qui la détruisait encore plus.

En économie aujourd’hui, on pratique la même médecine que du temps de Molière, il faut savoir parler " gestion ", alors on dit : " mondialisation, compétitivité, rationalisation, libéralisation " etc. Ce " latin là " conjugué à toutes les sauces, permet d’exiger d’une entreprise des " restructurations " qui ne sont en définitive que des " saignées " pour l’emploi qui, affaiblissent encore plus le corps social (la société).

Dans un article paru dans le Monde, sous le titre " Le F.M.I fait plus de mal que de bien ", Henry KISSINGER, ancien secrétaire d’Etat Américain, donne raison à Molière, en soulignant : " Tel un médecin ne disposant que d’une seule pilule pour tous les maux imaginables, il (le F.M.I) prêche presque invariablement l’austérité, de forts taux d’intérêt pour empêcher la fuite des capitaux, en préconisant de grosses dévaluations pour décourager les importations et renforcer les exportations. Il en résulte mathématiquement une chute brutale du niveau de vie, du chômage et de la pauvreté, qui affaiblissent les institutions politiques chargées d’exécuter le dit plan. "

Par cette citation d’un politique de la première puissance mondiale, on a bien la confirmation que nos " docteurs en économie" récitent un latin gestionnaire qui ne correspond en rien aux réalités du moment et que de ce fait leur " médecine " ne traite pas la " maladie ".

Pour s’opposer à cette dictature du " latin gestionnaire ", qui produit les résultats que l’on connaît (Russie, Thaillande, Corré etc.), il faut démocratiser réellement les processus de prise de décision, faire des citoyens les vrais décideurs du devenir du Pays.

Pour cela, il nous faut notamment inventer et mettre en œuvre des nouveaux critères de gestion qui répondent aux besoins et soient en prise avec les transformations actuelles du système.

II RETROUVER EN LES RENOUVELLANT LES CONCEPTS CLEFS LE CAPITAL et l’entreprise :

UN retour à Marx : Dans le même article que j’ai cité tout à l’heure, Kissinger indique lui même la validité de ce retour : " Le Capitalisme de marché reste le meilleur moteur de croissance économique et de hausse générale du niveau de vie. Cependant, comme l’arrogant capitalisme du laissez-faire a permis l’éclosion du Marxisme au XIX ème siècle, le mondialisme aveugle des années 90 pourrait bien susciter une remise en cause du concept même de liberté des marchés financiers ".

En lisant la phrase de Kissinger, j’ai l’impression d’entendre NECKER qui, en 1789, pressait le Roi de prendre des réformes fiscales, sous peine de perdre sa tête. Aujourd’hui Kissinger alerte les marchés financiers, pour que demain il n’est pas à subir une nouvelle nuit du 4 août. Quel aveu ! L’on croyait donc le marxisme définitivement mort et enterré et voilà qu’il nous revient sous la forme d’un spectre qui au-delà de l’Europe hante aujourd’hui tous les continents confrontés au ravage de la mondialisation financière.

Car au delà de la guerre idéologique, Marx a été sans l’un de ceux qui a le mieux analysé et compris le système capitaliste de son temps. Contrairement à tous ceux qui le disent mort à tout jamais, justifiant la fin de l’histoire, d’autres par leur propos confirment ainsi, sans le vouloir, la valeur de son travail qui ne vaut qu’à l’échelle de l’Histoire.

Son analyse ne parle pas d’ailleurs d’un " Capitalisme universel " valable en tout temps, mais s’attaque à décrire le fonctionnement du capitalisme de son temps et qu’il caractérise comme étant le "Capitalisme Industriel ", c’est à dire un Capitalisme dans lequel le processus de fabrication était au cœur du système d’accumulation et de développement.

Ce système a fonctionné et était justifié en termes d’objectif et d’organisation par une philosophie : le libéralisme. Celui ci indiquait deux choses essentielles :

· Le profit était justifié par ce qui était appelé " la prise de risque initial ", effectuée par l’entrepreneur.

· Le libéralisme étant le seul système qui permettait le développement des entreprises, c’est la logique de l’initiative privé.

Où on est-on aujourd’hui ? Ces deux principes philosophiques qui fondent et justifient le système libéral, sont-ils toujours valables ?

· Nous ne sommes plus dans un capitalisme industriel, mais plutôt dans un " capitalisme informationnel ", c’est à dire où l’information est le support essentiel à l’accumulation du Capital.Dans ce système les bourses dominent les usines (François CHESNAIS parle ainsi d’un régime d’accumulation à dominante financière). Dans ce cadre, le profit n’est plus le résultat d’un risque, le profit est planifié, les risques sont reportés sur la société. Ainsi quand la bourse plonge trop, ce sont les Institutionnels qui interviennent, et là, on ne parle pas de perturbation des règles de fonctionnement du marché.

· Le système permet-il le développement des entreprises. Tel n’est pas le cas, puisque sur 5 entreprises crées à l’année N, 5 ans plus tard Il n’en reste plus qu’une seule en situation d’existence. Nous ne sommes donc plus dans un système qui favorise l’entreprise, mais au contraire dans un système autophagique (qui se dévore de l’intérieur).

Allons plus loin, on utilise souvent le ratio du taux de mortalité infantile pour comparer les niveaux de développement des Pays notamment entre " Pays Développés " et " Pays sous Développés ".

Les premiers on un taux faible, les seconds un taux élevé. Si on applique ce ratio aux entreprises, est-on encore un Pays développé ?

En fait, on peut dire que si du temps de Marx, et comme il l’a analysé l’entreprise et le Capital était une seule et même réalité, aujourd’hui l’entreprise et le capital sont deux choses différentes.

L’entreprise est un espace temps humain créateur de richesses, le Capital une dynamique de spoliation de richesses

PROLETARIAT ? On parle aujourd’hui d’exclusion, mais l’exclusion concerne un processus individuel, qui ne remets nullement en cause le système. N’y a t-il pas de fait au vu du nombre de chômeurs (3 Millions) sans compter les exclus et précaires, non exclusion mais Marginalisation.

Ce n’est pas jouer sur les mots. L’exclusion est toujours unique, comme en grammaire, l’exception confirme la règle. Utiliser le concept de marginalisation c’est considérer qu’il s’agit d’un processus collectif. L’exclusion permets toujours de justifier la règle, c’est à dire le système, les institutions, le pouvoir en place, les critères de gestion, le latin gestionnaire.

Marx parlait " d’armée industrielle de réserve ", mais pour lui, il ne s’agissait pas d’un accident, mais bien un moyen pour gérer la main d’œuvre ouvrière afin d’empêcher la contestation du système.. " L’armée industrielle de réserve " participe aujourd’hui comme hier au fonctionnement du système.

III NOUS VIVONS UNE CRISE DE SYSTEME QUI NECESSITE UN CHANGEMENT DE SOCIETE (Révolution Industrielle/capitalisme industriel /Révolution Informationnelle/ Capitalisme Informationnel). Nouveau mode d’accumulation du capital. Le Capitalisme industriel vient de la Révolution industrielle, si aujourd’hui l’on vit une révolution scientifique et technique que les économistes appellent de plus en plus " Révolution Informationnelle ", on peut en effet se poser la question du changement de société ? N’est-on pas aujourd’hui dans un " Capitalisme Informationnel ", c’est à dire dans un capitalisme qui tire l’essentiel de son accumulation de la recherche, du stockage, de la manipulation, de l’interprétation, et du transfert d’informations.

Qu’est ce que la bourse ? Si ce n’est cet immense capacité de traitement de l’information économique et financière. Si la machine outil est " l’outil symbolique " et dominant du " Capitalisme industriel ", ne peut-on dire aujourd’hui que l’ordinateur est " l’outil symbolique " et dominant du " capitalisme Informationnel " ?

Si cette transformation est juste, elle pose de sacrés questions aux classes sociales, et à leurs luttes, dans le nouveau système mis en place par le Capital.

Si l’on reprend rapidement l’histoire sociale, on doit avant tout se rappeler ce que nous devons et moi le premier, aux luttes développées par la " classe ouvrière " (congés payés, statut, conventions collectives, sécurité sociale etc.).

Après avoir conceptualisé leur démarche (Manifeste du Parti Communiste de K.MARX paraît en 1848) et construit leurs outils de luttes (1895 création de la C.G.T, 1920 création du P.C) , les ouvriers en bloquant les usines de production ont su bloquer le système et l’ont obligé à négocier en recul 1936, 1945, 1968 en sont les grandes dates.

Le Capital ne pouvant plus accumuler tranquillement au sein de " l’usine ", obligé qu’il est de partager et de négocier dans un espace qu’il percevait comme sa seule propriété, l’entreprise et l’usine sont véritablement abandonnés, à coup de restructurations, externalisations (c’est à dire sous traités à des P.M.E en concurrence), et autre recentrages sur le métier (en clair on ne garde de l’activité du groupe que ce qui est immédiatement rentable), et c’est toute cette logique que nous cache le " latin gestionnaire ".

Si hier, on disait " quand Billancourt tousse, c’est la France qui s’enrhume ", révélant ainsi la puissance de la " classe ouvrière ", aujourd’hui quand les ouvriers et techniciens de Renault Vilvorde bloque le site de production, le système continue pourtant de fonctionner.

Les luttes qui gênent sont celles qui s’attaquent directement au centre stratégique du système à savoir les flux (Routiers/ U.P.S aux U.S.A). Aujourd’hui bloquer les flux c’est bloquer le système. Les luttes qui gênent sont aussi celles qui partent d’un territoire et en portent la cohérence (ex : la lutte de la Seine st Denis), car elles posent la question de la cohérence global d’un territoire, ce qui est l’outil correspondant au système actuel qui se veut global..

IV PENSER ET AGIR GLOBAL AU NIVEAU LOCAL : Face à la mondialisation et à la globalisation que faire ? la mondialisation n’est pas quelque chose qui se passe au dessus de nos têtes et qui serait inaccessible. Cette présentation est mensongère et ressemble en bien des aspects aux logiques d’ancien régime le pouvoir du roi était détenu de Dieu, donc inaccessible. La mondialisation est un processus politique d’organisation des territoires et de l’exploitation. Si tout est global, tout commence pourtant au niveau local (ère atomique).

Alors comment faire ? Pensons à La bible ; David et Goliath c’est à dire l’histoire de l’affrontement entre un géant et un enfant, mais c’est exactement ce que nous vivons avec la Mondialisation Capitaliste. Dans l’histoire, la fronde et une pierre ont permis de faire tomber le géant. L’intelligence et les territoires : Refaire vivre la Commune seul espace temps humain global non virtuel. La commune premier espace social pertinent d’expression des besoins. Travaillons quelques pistes.

DES PROPOSITIONS D’ACTIONS A ENRICHIR

· Ouvrir des cahiers de doléance partout, qui expriment les besoins.

· Travailler à l’écriture d’une charte de la Citoyenneté qui développent des droits nouveaux (devoirs / droits). Depuis plus de 15 ans on ne cesse de nous rappeler que nous avons des devoirs, c’est oublier que la citoyenneté commence par des droits. Notre constitution commence d’ailleurs par : " La déclaration des droits de l’homme et du citoyen ", ce que nos latinistes ont transformé dans la vie de tous les jours par : " Déclaration des devoirs de l’homme et du citoyen ". On ne fait pas la même société, si l’on prends l’une ou l’autre phrase...

· Reconnaissance des associations comme structure de base de l’exercice de la citoyenneté (chômage). Ce qui nécessite de leur donner une reconnaissance économique véritable, permettant l’obtention de droits aux militants associatifs, comparables aux droits syndicaux.

· Travailler à la création de nouvelles institutions mixtes (économiques et sociales) décentralisées qui dépassent les logiques politiques actuelles de délégation de pouvoir. Ces structures mixtes permettraient à des entreprises, des services publics, des associations, des syndicats, de pouvoir se rencontrer, d’échanger et de se rendre compte, que le problème ce n’est pas l’autre, mais bien le système...Les coopérations de territoire qui en naîtraient, pourraient déclencher les réactions en chaîne nécessaires au développement d’une autre société.

· Rénover, revaloriser et redévelopper les Services Publics à partir du niveau local (conseils d’usagers).

· Travailler à l’écriture et à la mise en œuvre de chartes de développement territorial global, solidarisant l’ensemble des acteurs économiques et sociaux d’un territoire.

OUVERTURE

Je n’ai pas de conclusion. Nous ne sommes plus à l’époque des rédactions latines construites autour d’un plan classique. Conclusion, signifie aussi fin de l’histoire, or pour l’humanité, elle ne fait que commencer, et c’est aux citoyens dans leurs diversité, de se l ‘approprier en l’écrivant...

La Ciotat le 17/10/98
Fabrice AUBERT

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