Mondialisation et impérialisme. par Christian Delarue

jeudi 29 septembre 2005, par Webmestre

Les Empires sont anciens. La notion d’impérialisme fort prisée puis délaissée refait surface en lien avec la mondialisation . L’internationalisation a largement laissé place - dans les termes employés au moins - à la « globalisation » ou à la mondialisation . De quelle mondialisation s’agit-il ? Quel lien entre impérialisme et colonialisme et post-colonialisme ?

A ce niveau, la présente fiche veut succinctement fournir un premier éclairage qui ne répond pas à toutes les questions . Elle souhaite inciter à aller plus loin . Le cadre lui-même présenté en 3 pages peut évidemment être enrichi.

I ) DE L’INTERNATIONALISATION A LA MONDIALISATION

A) La périodisation proposée

D’après Michel Husson, le changement est intervenu au début des années 80 .

Avant "on pouvait considérer comme représentatif un modèle de l’économie mondiale ou le mode de détermination du travail socialement nécessaire demeurait pour l’essentiel national. On avait donc un échange inégal "classique" ou les transferts de plus-value prenaient la forme de rapatriements de profits par les firmes multinationales (FMN)."

En France par exemple 77% des FMN présentes sur le territoire sont françaises ; 12% sont européennes et 11% sont autres.

Après le début des années 80, on assiste à une ouverture totale non seulement des mouvements de marchandises mais aussi des flux d’investissement . La tendance s’affirme à l’établissement de prix mondiaux et à la généralisation des profits à l’échelle mondiale. Il y a aussi une financiarisation de l’économie mais les transformations essentielles ont lieu du côté de la production, avec un degré supplémentaire de concentration et de centralisation des capitaux et la constitution d’oligopoles transnationaux (STN).

B) Les caractéristiques

1- Problématique générale

La mondialisation en cours n’est pas uniquement le fait de l’évolution des trois formes de capital - financier, productif et marchand . cette mondialisation dite - de façon réductrice - "économique", est aussi profondément sociale, puisqu’elle diffuse les rapports sociaux qui lui sont consubstantiels (capital / travail), rapports qui se greffent sur d’autres rapports plus anciens (de genre, ethniques...). La mondialisation économico-sociale se répands aussi en lien avec des innovations scientifiques et techniques importantes et une idéologie forte d’une "culture publicitaire" de l’échange marchand.

Pour ne pas s’en tenir à une vision économiciste, il importe aussi de souligner la dimension politique (et idéologique) de la mondialisation, dite ici néolibérale. Mais le néolibéralisme n’est qu’un aspect de la mondialisation capitaliste.

2 - Caractéristiques de la mondialisation "économique" (d’après BOYER 97) :

- Accroissement des mouvements d’échanges marchands mais aussi des investissements productifs.

- Globalisation de la production

- Mondialisation financière

- Perte d’autonomie des Etats-nation.

3 - Caractéristiques politiques et institutionnelles

Cet aspect intègre le rôle très actif des grandes institutions de la "gouvernance mondiale" (OMC, FMI, BM... et G7) mais aussi les décisions politiques majeures du gouvernement des USA . A ce titre se raccrochent les nouvelles politiques issues de la fin de l’affrontement Ouest/Est depuis la chute du mur, allant de "tempête du Désert" (guerre de Bush père) au "Choc des civilisations" et à la guerre totale et préventive (de Bush junior) . Entre ces deux guerres le 11 septembre 2001 vient couper cette unité bushienne et inaugurer une nouvelle ère impériale...

Cela fait le lien avec le renouveau de la question de l’impérialisme lié au développement inégal et combiné qui caractérise le capitalisme mondial.

II - L’IMPERIALISME ou LA MONDIALISATION INTRINSEQUEMENT ET DOUBLEMENT "POLARISANTE"

En voulant aller à l’essentiel on pourrait dire que l’impérialisme est lié au développement inégal et combiné qui caractérise le capitalisme. Il n’y a pas plus de marché mondial homogène que d’Empire acéphale et lisse .

Il existe bien un système hiérarchisé de dominations et de dépendances continuant de former un Tiers monde (né officiellement il y a juste 50 ans lors de la conférence de Bandoung), un "Sud", une "périphérie" et des peuples dominés par une hiérarchie de pays dominants, ceux du "centre", du "Nord" ou de la Triade . Au sein de la triade - USA , Europe et Japon - les USA sont la puissance dominante.

Cette polarisation Nord/Sud se double d’une polarisation interne tant au Centre que dans la Périphérie . D’ou la formule bien connue : « il y a du sud dans le nord comme il y a du nord dans le sud ».

A ) La mondialisation impériale : éléments économiques et sociaux, idéologiques et politiques

Extension du salariat : Le nombre des FMN est passé de moins de 10 000 en 1970 à près de 40 000 au seuil du XXI siècle, employant près de 300 millions de salariés, dont 40% dans des pays autres que celui dont elles sont originaires . Cette mondialisation n’a pas rompu les liens avec les Etats nationaux auxquels elles s’adossent bien que se soit progressivement constitué un dispositif d’institutions internationales ;

Dès 1989, John WILLIAMSON, promu depuis économiste en chef de la Banque mondiale, résumait en 10 points ce qui allait devenir le "consensus de Wahington", l’orthodoxie des institutions financières internationales :la réduction des déficits budgétaires, la réforme fiscale au bénéfice du capital et des actionnaires, la libéralisation des marchés financiers, l’augmentation des exportations, l’abaissement des droits de douane, l’encouragement aux investissements étrangers, une privatisation des entreprises publiques, la dérégulation de la concurrence dans les différents secteurs économiques, la garantie du droit de propriété sous toutes ses formes.

Ces recommandations se sont diffusées partout sur la planète, elles sont devenues la bible de l’Union européenne et le modèle de convergence du traité de Maastricht.

Apologie de la "société civile" et introduction de ses composantes - ONG, entreprises et associations diverses - dans le système de gouvernance ;la société civile intervient comme groupe de pression ou comme partenaire à consulter au lieu et place de la souveraineté populaire .

Dominations inter-étatiques : Pour Daniel Bensaïd "l’impérialisme sénile ne supprime pas l’ancien ordre des dominations inter-étatiques ; Il s’y superpose ; Si l’Empire est plus multipolaire et multicéphale qu’exclusivement américain, il n’en organise pas moins une hiérarchie de dominations et de subordinations entre nations. Le capital et les firmes se transnationalisent, mais ils s’adossent encore à la puissance militaire, monétaire et commerciale des Etats dominants.

B ) Caractéristiques de l’impérialisme.

Plusieurs phases sont repérables :

1- l’impérialisme des conquêtes coloniales sous hégémonie britannique au XIX siècle.

2- l’impérialisme moderne du début du XX siècle

3 - l’impérialisme issu de la deuxième guerre mondiale

4 - l’impérialisme sénile

S’inspirant de John Hobson et de Rudolf Hilferding, Lénine voyait dans l’impérialisme moderne la combinaison variable de plusieurs caractéristiques :

- la concentration et la centralisation du capital sous forme de monopoles,

- la fusion du capital bancaire et du capital industriel dans une oligarchie financière

- l’exportation des capitaux

- la formation de cartels internationaux,

- le partage territorial du monde

Si l’impérialisme se caractérise en général par l’appropriation systématique par une nation de la valeur générée par une autre, la domination impériale est la forme organique de la mondialisation capitaliste et de son double mouvement contradictoire :

- extension spatiale du capital à l’échelle d’un marché mondial sans frontières, d’une part ;

- organisation territoriale du développement inégal dont les Etats-nation ne constituent pas la forme ultime, d’autre part.

Pour Samir Amin la nouvelle domination impériale repose sur 5 monopoles dont bénéficient les pays du centre :

- sur les nouvelles technologies et les brevets ;

- sur le contrôle des flux financiers ;

- sur l’accès aux ressources naturelles

- sur les armes de destruction massive

- sur les moyens de communication

Christian Delarue Rennes

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