Qu’est-ce que l’empreinte écologique ? Par Philippe Lalik (juil. 2005)

Commençons pas une citation d’un article de Hervé-René Martin (auteur de "La mondialisation racontée à ceux qui la subissent") intitulé "A mes amis opposants à l’OMC" :

"Si nous entendons la démocratie comme le gouvernement de la majorité du peuple par la majorité du peuple, le transfert de pouvoir opéré depuis la sphère publique vers la sphère privée serait dès lors moins une perte de souveraineté des populations riches de la planète qu’une stratégie au moyen de laquelle celles-ci entendent continuer à s’octroyer la part du lion (en 1997, les 20% des personnes vivant dans les pays les plus riches accaparaient déjà 86% de la consommation privée totale). Dans un système égalitaire mondial, c’est à dire une véritable démocratie à l’échelle de la planète, nous serions obligés de partager.

Ce que nous pouvons reprocher à nos gouvernements est moins de nous trahir en nous livrant aux mains des transnationales monopoles privés (allégées du poids de la redistribution) appelés à remplacer les monopoles publics que le manque de courage et de lucidité qui les pousse à satisfaire toujours plus la demande de leur électorat, fût-elle suicidaire à terme.

Chers amis, ne voyez pas là une provocation, mais bien une invitation à revoir nos modes d’action. Si notre travail d’expertise n’est pas à remettre en cause, nos cibles pourraient l’être. Nous aurions moins à nous adresser à nos gouvernements pour les convaincre de reprendre la main sur les institutions internationales qu’ils ont fabriquées de toutes pièces qu’à nos concitoyens et à nous-mêmes".

Espérer un autre monde comme le prétend notre mouvement sans tenir compte des limites écologiques de la planète me laisse très perplexe. Sans doute l’influence des syndicats, qui généralement se comportent comme s’il n’existait pas de limite à la biosphère, y est-elle pour quelque chose.

La notion d’empreinte écologique permet de dépasser ce débat idéologique : l’analyse de l’empreinte écologique est un outil comptable qui permet d’évaluer la consommation des ressources et les besoins d’absorption des déchets d’une population humaine ou d’une économie données, en termes de la superficie correspondante de sol productif. Elle permet donc de calculer la surface nécessaire à un mode de consommation donné.

Ainsi la superficie biologiquement productive est de 2,2 ha (1,7 ha de sols et 0,5 ha de mer) par personne à l’échelon mondial. Cette superficie était de 8,8 ha en 1900 et a été divisée par 4 en l’espace d’un siècle, la population passant de 1,5 à 6 milliard d’individus. Dans le même temps la part accaparée par les populations riches n’a cessé d’augmenter. L’empreinte d’un nord-américain était de 1,5 ha en 1900, de 3 ha en 1950 et est de 10 ha aujourd’hui. Ces tendances contraires sont en conflit absolu.

L’empreinte des citoyens du Nord est de 3 à 5 fois supérieure à l’offre par personne. Si toutes les personnes avaient le même niveau de consommation que le notre, 3 à 5 planètes Terre seraient nécessaire pour satisfaire les besoins. Or il n’y a qu’une Terre.
De plus, la population continue de croître ainsi que la consommation (que ce soit par personne ou en totalité). D’autre part de nombreux sols se dégradent, les déserts progressent, les zones de pêches les plus riches atteignent leurs limites... A noter, que l’empreinte ne tient pas compte des besoins des quelques millions d’espèces qui habitent la planète avec nous.

Construire un monde meilleur dans ces conditions est pour le moins hasardeux à moins de le définir plus clairement qu’actuellement. Notre mode de vie est en cause, et le défi qui s’impose est énorme car on ne connaît pas d’exemple de population qui ait volontairement baissé son niveau de vie. D’autre part, des études psychologiques montrent qu’un individu est prêt à renoncer à ce qu’il a que si les chances de vivre mieux sont 4 fois supérieures à ce qu’ils est certain de perdre.

Pour en revenir à l’empreinte écologique, les calculs montrent qu’actuellement la consommation totale excède le revenu naturel de plus de 25%. Logiquement, c’est le capital qui est entamé. Il apparaît évident qu’on ne peut vivre éternellement en "tapant" dans le capital.

L’ analyse de cette empreinte soulève les questions de l’équité et de la durabilité de la production. Le consommation du 1,2 milliard le plus riche de la planète excède la capacité de porter de la planète. On voit mal dans ce cas, comment il serait possible d’améliorer le sort de 4, 8 milliard de personnes sans une remise en cause fondamentale de notre économie.

L’analyse de l’empreinte écologique semble démontrer que le développement ne constitue pas une solution pour que les habitants du Tiers-Monde voient leur sort amélioré mais que, de par sa dynamique, il crée des problèmes insurmontables.

Un intervenant sur le sujet nous permettrait d’approfondir ces questions essentielles. Je pense également que le Labo d’économie de l’Université serait intéressé pour en débattre.

Philippe Lalik
Attac 45