Orléans : l’absentéisme scolaire en procès, par Mourad GUICHARD (octobre 2005) Publié dans Libération, mercredi 26 octobre 2005

A Orléans, les enfants séchaient les cours ; les parents ont été convoqués par la justice, hier.

L’absentéisme scolaire passe désormais au tribunal. Jusqu’à janvier 2004, il pouvait être puni d’une suspension des allocations familiales. Depuis le décret du 18 février 2004 (1), les parents d’enfants de moins de 16 ans encourent une amende pouvant atteindre 750 euros, l’absentéisme étant considéré comme une infraction de 4e catégorie. Les premières affaires commencent à arriver. Hier, deux familles, sur la cinquantaine de dossiers en cours d’instruction dans le Loiret, étaient jugées devant le tribunal de police d’Orléans. Aucun des parents prévenus ne s’y est présenté.

Aboutissement logique, selon le président du tribunal Pierre Griselin, d’un « abandon total de responsabilité parentale ». « La jeune fille a eu un parcours scolaire haché, dit-il en évoquant la première affaire. Jusqu’à ne plus venir du tout à la veille de ses seize ans. » Dans le second cas, le père du jeune Grégory possède un casier judiciaire lourd de six pages que le président Griselin égrène : délits de fuite à répétition, usage, transport et cession de stupéfiants, menace avec arme, falsification de documents administratifs... Et se tournant vers le ministère public, il pose cette question : « J’écoute vos réquisitions, mais à ce stade, une amende pourra-t-elle être un remède efficace ? » Le père n’en sera pas moins condamné à 300 euros d’amende.

Concertation.

Cela fera-t-il revenir son fils à l’école ? « On se trompe de remède, commente Martine Rico, représentante de l’association de parents d’élèves FCPE du Loiret. L’absentéisme peut simplement provenir d’une mauvaise orientation scolaire ; on en revient alors au manque de moyens dégagés par l’institution éducative pour répondre à l’attente des élèves. »

Certes, au-delà de cette possible amende, « il existe désormais un processus obligeant les établissements à une longue étape de concertation, souligne Eliane Gallo, responsable de la vie des élèves et des établissements scolaires à l’inspection académique du Loiret. Lorsque les dossiers arrivent sur notre bureau, plusieurs propositions de rencontres et des demandes d’explications ont déjà été adressées aux parents. Nous n’avons pas vocation à sanctionner ces familles ». Passée cette période d’un mois environ, l’inspection convoque les responsables légaux. Mais ceux-ci se déplaceraient rarement. « Il s’agit de familles complètement dépassées par les événements », explique Eliane Gallo, de l’inspection académique du Loiret. Et lorsqu’elles viennent au rendez-vous, elles laissent l’institution « abasourdie par les difficultés cumulées qu’elles rencontrent ».

« Sens ? »

A l’inverse, lors de ces entretiens, « il arrive que des familles découvrent, ce jour-là, que leurs enfants sèchent les cours. Ces derniers s’étaient arrangés pour intercepter l’ensemble des correspondances ». Si cette fonctionnaire ne peut légitimement commenter l’issue de ces procédures, elle regrette « amèrement » que l’on « soit obligé d’en arriver là ». Même sentiment de gâchis au parquet d’Orléans qui vient pourtant de décider de l’instruction de ces tout premiers dossiers. « Au travers de ces transferts de dossiers à un tribunal de police, nous donnons du poids à l’action préventive scolaire, se défend Isabelle Toulemonde, procureure d’Orléans. Nous ne poursuivons que si nous pensons que cela a du sens. » Mais cela en avait-il hier ?

(1) Le 11 mai 2005, des députés se sont regroupés pour exiger dans une proposition de loi « le rétablissement de la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire ». Ils estiment cette sanction bien plus dissuasive. Parmi eux, Antoine Carré et Jean-Pierre Door, deux députés UMP du Loiret. Les deux mêmes qui ont récemment cosigné une proposition de loi visant à rétablir la peine de mort.