A écouter : ’Le droit du travail en péril’, conférence par Gérard FILOCHE

, par André

Gérard Filoche

Gérard Filoche est inspecteur du travail.
Il est également membre du Conseil scientifique d’ATTAC, membre du conseil national du PS et rédacteur en chef de la revue Démocratie & Socialisme.

Cette conférence a été donnée le 30 avril 2008 à Orléans.

Depuis 2002, les réformes se sont succédées pour moderniser le droit du travail.

Des slogans (« trop de droit du travail tue le droit au travail ») ou des néologismes (flexisécurité, employabilité) envahissent la sphère médiatique pour faire passer une dure réalité : le taux de chômage et les conditions de la concurrence internationale offerte par l’ouverture des marchés permettent d’imposer aux salariés le blocage de leurs salaires et la remise en question de droits acquis depuis des décennies à travers des combats historiques. L’année 2008 risque d’être fertile en la matière…

1) NOUVEAU CODE DU TRAVAIL : DES DANGERS DISSIMULES

La recodification du code du travail devrait être achevée le 1 mai 2008. Elle devait se faire à droit constant selon l’ordonnance d’habilitation. En réalité, les choix opérés risquent d’avoir des conséquences importantes sur le droit du travail.

De nombreuses critiques et de vives inquiétudes se sont exprimées à ce sujet : une pétition a été lancée par la CGT, le syndicat de la magistrature et le SAF (Syndicat des Avocats de France) ; la CFDT, de son côté, même si elle porte un jugement globalement positif sur le travail accompli, « exprime son désaccord sur le plan retenu, la suppression des formules impératives et les déclassement d’articles de la partie législative en partie réglementaire ».

Emmanuel DOCKES (professeur de droit du travail à l’université Lyon 2), écrit dans la revue Droit Social d’avril 2007 « Que le nouveau code soit devenu un pareil mélange d’irrationnel, de hasard et d’obscurité n’est que l’effet que l’on prête aux lois du travail.(...) Pensées comme des nuisances lorsqu’on les applique, les lois du travail sont traitées comme de simples moyens de communication lorsqu’on les édicte. Alors qu’elles devraient être les moyens par lesquels une société tente de protéger les personnes qui travaillent dans un état de subordination. ».

2) ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 11 JANVIER : DESEQUILIBRE AU DETRIMENT DES SALARIES

L’Accord national signé le 11 janvier 2008 entre la CFDT, la CGC, FO, la CFTC et le MEDEF est repris dans un projet de loi soumis au conseil des ministres et au Conseil d’Etat. Son examen par le parlement doit se faire au printemps.

De nombreuses critiques sont soulevés à son encontre. Ses négociateurs syndicaux ont eu quelque peine, d’ailleurs, lors d’une après-midi organisée par l’Association Française de Droit du Travail qui lui était consacrée, à expliquer les bienfaits, pour les salariés, du contenu de cet accord ! Les auditeurs attendent encore des précisions sur les études prospectives menées pour s’assurer de l’impact espéré des négociateurs sur les maux qui sévissent (licenciements, fermetures d’entreprise, chômage massif, précarisation des contrats, stress au travail...) On peine à comprendre que la modernisation du droit du travail passe, entre autres choses, par la réhabilitation du reçu pour solde de tout compte qui avait été réduit à néant par la jurisprudence depuis longtemps et par la loi en 2002.

Monsieur Jean-Emmanuel RAY (professeur de droit du travail à Paris1) évoque « un texte aussi précis sur la flexibilité côté entreprise que virtuel sur la sécurité côté salarié ». Monsieur Philippe Waquet, doyen honoraire de la Cour de Cassation, intitule sa chronique relative à la rupture du contrat visée dans l’accord : « Entre sécurisation et errements ». Monsieur François GAUDU (lui aussi à Paris1) parle des garanties entourant la rupture d’un commun accord comme des mesures qui démontrent qu’il s’agit en fait de demander au salarié de consentir à une rupture qu’il ne souhaite pas.

A marche forcée les pouvoirs publics ont décidé de rebattre les cartes du droit du travail.

Répondant aux souhaits insistants du MEDEF, ils incitent les partenaires sociaux à remettre à plat des pans entiers des droits précédemment acquis au cours de l’année 2008.

C’est, à l’évidence le MEDEF qui à la main.

Les salariés, eux, ont le choix entre la caresser dans le sens du poil ou lever le poing.