Les méfaits d’une mutinationale pharmaceutique.

samedi 24 février 2007, par Webmestre

par Raoul Marc JENNAR, chercheur altermondialiste

Novartis, troisième laboratoire pharmaceutique mondial, est l’une des 39 compagnies pharmaceutiques qui avaient intenté un procès au gouvernement sud-africain, il y a 6 ans. Leur but était de faire annuler la loi sud-africaine destinée à diminuer le prix des médicaments. Sous une formidable pression internationale, bel exemple de la capacité citoyenne à agir avec efficacité, ces multinationales, montrées du doigt pour leur rapacité, avaient été contraintes de retirer leur plainte. Aujourd’hui, Novartis se lance dans une action en justice sur le même sujet et, cette fois, la cible c’est le gouvernement indien.

Novartis s’attaque au gouvernement indien à propos de la production de médicaments génériques en dénonçant la loi indienne sur les brevets adoptée début 2005. Cette loi a mis l’Inde en conformité avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur la propriété intellectuelle. Il s’agit de l’accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Conformément à l’accord ADPIC, elle renforce considérablement l’emprise des brevets et leur durée. Toutefois, et notamment grâce à une forte mobilisation des ONG en 2005, elle contient une exception qui permet de ne pas breveter les médicaments ne comportant pas de réelles innovations. C’est le cas du Glivec, médicament contre des formes de cancer que l’Inde refuse de breveter.

La loi indienne comprend des éléments permettant de donner la priorité aux malades par rapport aux brevets. L’Inde produit des médicaments à un coût abordable qui sont vitaux pour un grand nombre de malades dans les pays en développement. Le traitement de millions de malades dans le monde dépend aujourd’hui de médicaments produits en Inde. Plus de la moitié des médicaments utilisés pour le traitement du sida dans les pays en développement sont actuellement fabriqués en Inde. Ainsi, ces médicaments sont utilisés pour 80% des 80.000 patients malades du sida suivis dans les programmes de traitement du sida de Médecins Sans Frontière.

Comme en Afrique du Sud en 2001, les grandes entreprises pharmaceutiques, et dans ce cas-ci Novartis, intente un procès au gouvernement indien pour qu’il abandonne la fabrication de génériques. Il s’agit pour ces entreprises de pouvoir occuper le marché avec des médicaments de leur marque. Si Novartis gagne ce procès, ce sera la porte ouverte à une généralisation de l’interdiction de fabriquer des génériques en Inde. Or, les génériques indiens soignent des populations nombreuses, qui autrement n’auraient pas accès aux soins : près de 70% des exportations de médicaments indiens se dirigent vers les pays en développement.

Si Novartis gagne son procès cela aura des conséquences sur des millions de personnes dans le monde qui dépendent de médicaments produits en Inde.

Quel est ce système mondial qui autorise une entreprise privée à faire passer le profit avant la santé ? Le droit des malades d’accéder aux médicaments dont ils ont besoin est un droit fondamental consacré par des conventions internationales. Qu’attendent nos gouvernements pour le faire respecter ?

Le droit d’accès aux soins et plus largement le droit à la santé sont des droits fondamentaux de la personne humaine et des droits sociaux qui ne peuvent être subordonnés à des considérations mercantiles. Avec Médecins Sans Frontière, avec de nombreuses associations et mouvements altermondialistes, il faut exiger que les malades passent avant les brevets. La vie de millions de personnes est en jeu. Une pétition exigeant que Novartis abandonne son procès contre le gouvernement indien, pour permettre la fabrication de médicaments génériques est en ligne. Signez-la.

Pour signer la pétition : http://www.msf.org/petition_india/france.html

JdM, 13 fév. 2007

Ces chroniques sont publiées dans l’hebdomadaire belge Le Journal du Mardi (JdM),

Bld Emile Bockstael, 230, B-1020 Bruxelles (tél. : +32-2-425.04.82).

Toute reproduction doit s’accompagner d’une référence précise au numéro du JdM concerné.

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