OMC. Enjeux de la conférence de Hong-Kong

samedi 26 novembre 2005, par Webmestre

« Les terroristes ont attaqué le World Trade Center.
Nous les vaincrons en élargissant et
encourageant le commerce mondial. »

George W. Bush, novembre 2001

Avant l’ouverture de la conférence de l’OMC de Doha

Après trois jours de discussions à Genève, les 148 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont séparés le 29 juillet 2005 sans avoir relancé le cycle de développement de Doha ouvert en 2001. Mis en échec à Cancun en septembre 2003, puis relancé à Genève en juillet 2004, ce cycle devait initialement s’achever en 2004. Il ne se terminera au mieux qu’en 2006. La sixième conférence interministérielle de l’OMC qui se tiendra en décembre 2005 à Hong-Kong en décidera.

31/07/2005

Négociation globale à cinq dimensions

La démarche qui a été retenue est celle d’un accord global des pays membres de l’OMC et non pas celle qui consisterait à chercher des accords partiels, domaine par domaine. Rien n’est acquis tant que tout n’est pas acquis. Pour que la conférence de Hong-Kong soit considérée comme un succès par les néolibéraux une percée doit être faite dans cinq domaines : l’agriculture, les produits non agricoles, les services, les règles du commerce et le développement.
Début tardif de la négociation

Les nombreuses réunions entre 2001 et aujourd’hui ont montré, une fois encore, que l’OMC est une machine énorme et lente. En un peu plus de trois ans, les pays membres ont travaillé sur des questions extrêmement techniques et identifié les options et enjeux politiques. Mais la négociation proprement dite n’a pas encore commencé. On peut dire qu’elle commence maintenant. La réunion de juillet 2005 à Genève avait pour but de s’entendre sur un texte, sorte de brouillon de la déclaration finale de la conférence de Hong-Kong. Ce but n’a pas été atteint malgré l’impulsion rhétorique donnée juste avant par le G8 de Gleneagles. Une nouvelle réunion est prévue à la mi- octobre à Genève. Tout sera fait pour que ce point de contrôle ne soit pas un nouvel échec.

L’agriculture, pierre d’achoppement et clé de la négociation globale

L’agriculture est à la fois l’obstacle majeur et la clé de la négociation globale. La conférence de Cancun a échoué faute d’accord sur l’agriculture. Les pays du Sud dont les intérêts sont divergents s’opposent aux pays du Nord et, en particulier, aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Aucun accord global n’est possible à Hong-Kong sans un accord sur l’agriculture. Certains pays du Sud, pas tous, s’y opposeront.

Le but de la négociation est d’établir les modalités (le cadre) des engagements futurs dans trois domaines : l’accès au marché, les soutiens internes, et enfin les crédits et subventions à l’exportation.

L’accès au marché porte sur la réduction des tarifs douaniers (une formule à tiroirs est sur la table de négociation), sur les produits dits sensibles, et enfin sur les mécanismes de sauvegarde et d’autres questions concernant les pays en développement.

Les soutiens internes portent sur la boîte bleue (cf. encadré), et sur des compromis relatifs à la boîte verte (les soutiens à l’environnement) pour la rendre plus compatible avec les intérêts des pays en développement.

La négociation sur les crédits et subventions à l’exportation comprend la date butoir de suppression des subventions, mais aussi deux autres questions : les entreprises de négoce agricole et l’aide alimentaire qui cachent, toutes deux, des « pratiques de distorsion au commerce libre et constituent des subventions déguisées ». Un des buts est de préciser la ligne qui sépare le commerce de l’aide alimentaire.

Deux autres questions importantes doivent être signalées : le traitement spécial et différencié des pays en développement et le conflit entre certains pays africains et les Etats-Unis sur le coton.
Compte-rendu de la réunion des ONG travaillant sur l’Accord sur l’Agriculture par Anne Wagner, Groupe de recherche et d’échanges technologiques (extraits)
Soutien internes

Les discussions portent actuellement sur les critères de redéfinition de la boîte bleue. Le G20 s’attache à établir des critères d’encadrement plus stricts qui visent à :

- 1 laisser moins de marge de manœuvre aux Etats-Unis pour y transférer leurs paiements contra-cycliques ;

- 2 faire en sorte que les limites imposées le soient produit par produit ;

- 3 éviter qu’il n’y ait cumul entre les soutiens boîte orange et les soutiens boîte bleue (si ceux de type boîte bleue sont élevés, ceux de la boîte orange devraient être limités : l’idée est donc d’essayer de définir des évaluations comparatives qui visent à établir dans quelle mesure on peut compenser les fluctuations de prix).

Sur les critères d’encadrement de la boîte verte, l’UE continue de soutenir qu’elle ne souhaite pas qu’ils soient redéfinis. Le G20 suggère que les critères soient modifiés en fonction de l’expérience acquise par rapport aux effets des différentes mesures de la boîte verte (qui pourraient par exemple être jugées en terme de bien-être social. Ce point reste toutefois assez flou et n’a pas été à ce jour vraiment discuté.
Subventions aux exportations

Le G20 a proposé une date butoir pour l’élimination de toute forme de subventions à l’exportation, à savoir d’ici une période de 5 ans. Toutefois, ce point n’a pas encore été discuté pour l’instant.

Accès au marché

Pour l’instant, les pays ne se sont pas encore mis d’accord sur une base commune à partir de laquelle décider des niveaux de réduction. Les discussions portent pour l’instant uniquement sur la conversion des mesures de protection spécifiques en équivalents ad valorem.

Le G33 est sur la position la plus défensive. Ils demandent une asymétrie dans la réduction des protections tarifaires, demandant que les pays en développement aient à faire un effort moindre. La question de la conversion en équivalents ad valorem est très importante pour eux en terme d’équité et de transparence de la réduction des niveaux de protection.

Ainsi, sur ce volet, la discussion en est à ses tous débuts. La question des produits sensibles n’a, dans ce contexte, pas encore été abordée.

Sur la clause de sauvegarde spécifique (CSS), le G33 a fait une proposition. Ils demandent que le point de départ des négociations soit le mécanisme actuellement en place, qui vise à être amélioré (en aucun cas donc les acquis ne doivent être remis en cause). Le G33 demande ainsi que les causes de déclenchement de ce mécanisme soient étendues (actuellement, elles se limitent à une baisse brutale des prix ou à une augmentation brutale des importations). Une autre possibilité serait de maintenir le dispositif actuel mais en le rendant plus contraignant pour les pays développés.
Produits non agricoles, les pays en développement sous pression

Le lexique de l’OMC est riche d’acronymes : NAMA est très tendance. C’est l’accès au marché non agricole (Non-Agriculture Market Access). Le but de la conférence de Hong-Kong est de définir les modalités de réduction, voire de suppression des droits de douane sur ces produits. Il s’agit pour l’essentiel d’une concession demandée par les pays du Nord aux pays du Sud puisque les droits de douane sur ces produits, à l’entrée des pays du Nord, sont très faibles ou nuls. Cela concerne ce qu’on appelle tarifs élevés ou pics tarifaires. Tous les chiffres sont maintenant sur la table de négociation.

Lors de la dernière réunion de Genève de juillet 2005, Oxfam indique : « Les pays en voie de développement étaient hier dans la nuit mis sous pression pour accepter une proposition profondément injuste sur l’accès au marché non-agricole (NAMA), qui exigerait qu’ils ouvrent leurs marchés beaucoup plus radicalement que des pays riches. Ils ont rejeté cette proposition à plusieurs reprises mais on leur force à nouveau la main. »

Services en panne ? -

On croyait que les services étaient encalminés. En deux ans, seulement 50 offres de libéralisation avaient été faites. 18 offres nouvelles se sont ajoutées durant les derniers mois et 24 offres, parmi les 50 offres initiales, ont été revues à la hausse. L’OMC dispose donc de 68 offres. Mais il ne faut pas s’arrêter au seul nombre d’offres. Les responsables de l’OMC indiquent que ces offres « ne sont pas de qualité et qu’elles n’offrent pas de nouvelles opportunités de business ». Une réunion spéciale vient d’avoir lieu pour essayer de mieux cerner les buts des principaux négociateurs. L’enjeu de Hong-Kong est actuellement de négocier de nouvelles libéralisations entre un nombre limité de pays membres. Il s’agit néanmoins d’un enjeu Nord-Nord et Nord-Sud.

A côté de l’accès au marché (demandes et offres), l’autre volet de la négociation sur les services porte sur les règles, et notamment sur les régulations nationales des services.

Les règles du commerce et autres questions

Les négociations sont en cours sur les mesures d’antidumping, les subventions et les mesures de rétorsion (Agreements on Anti-Dumping and Subsidies and Countervailing Measures) et devraient aboutir à de nouvelles propositions à Hong-Kong. Les Accords de commerce régionaux (Regional Trade Agreements - RTA) devraient également faire l’objet de dispositions nouvelles dites de transparence.

Un ensemble de 35 propositions notamment techniques et administratives visent à faciliter le commerce avec les pays en développement.

La négociation sur la dimension environnementale du commerce bute sur une question de méthode : faut-il une approche par projet ou par liste de produits ? Neuf listes de produits sensibles ont été faites.

Les positions des pays membres sur la propriété intellectuelle sont actuellement totalement divergentes (Trade-Related Aspects of Property Rights -TRIPS).
Développement, la grande mystification
Le fabuleux tour de passe-passe a été de qualifier le cycle de négociation actuel « Cycle du développement » ou encore « Doha Development Agenda » (DDA). Que recouvre cette dénomination ?

Les pays les plus pauvres souffrent toujours du manque d’assistance technique pour participer réellement aux négociations. Ils n’ont pas les capacités financières et techniques pour comprendre le cinéma multiplex qu’est l’OMC. Les programmes d’assistance technique et de développement des capacités des pays pauvres sont très faiblement dotés financièrement. De plus les questions-clés de la dette ou du transfert de technologies ne font pas partie de l’accord global de Hong-Kong. Le seul contenu véritable que l’OMC donne au développement est le traitement spécial et différencié.

Le traitement spécial et différencié consiste en un plaidoyer, suivi de quelques compromis, pour un traitement dissymétrique des échanges commerciaux : les pays riches ouvrent plus leurs frontières que les pays pauvres. Plus généralement les concessions des premiers sont supérieures à celles des seconds.

Le but demeure - pour les deux parties - l’exportation. Or toutes les expériences passées de développement économique ont pris appui sur le marché intérieur et sur des formes variées et multiples de protection de ce marché. De plus la question des prix des marchés mondiaux est curieusement absente des discussions majeures alors qu’elle est cruciale pour les pays les plus pauvres.

Alain Lecourieux

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