Compte-rendu des 3 ateliers du FSL du 16 mai 2009

Vingt organisations (Alternative Citoyenne Abraysienne, AMAP Terre en vie, Amis du Monde Diplomatique, Artisans du Monde, Association pour une décroissance conviviale, ATTAC 45, Centre Réseau Economie solidaire, Confédération Nationale du Travail, Confédération paysanne du Loiret, Droit au logement, Faucheurs volontaires du Loiret, Fédération Syndicale Unitaire, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, La vie Nouvelle, Loiret sans OGM, Mouvement pour une Alternative Non violente, Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne, Planning Familial, Union Syndicale Solidaires, ZECO des Acacias) avaient finalement accepté de se porter organisatrices de la journée du « 1er nouveau FSL » orléanais, le 16 mai 2009 ; certaines ont tenu toute la journée des stands dans la pièce principale.

De leur côté, 6 partis politiques soutenaient la manifestation : la Fédération anarchiste, le Nouveau parti Anticapitaliste, le Parti Communiste Français, le Parti de Gauche, le Parti Socialiste et les Verts.
 
Un peu moins de 150 personnes ont participé à la journée qui a débuté par 4 interventions abordant les causes de la crise sous 4 angles différents mais très complémentaires : écologique, social, économique et politique. Comme souhaité, les échanges avec la salle ont été nombreux et énergiques, car un Forum Social est avant tout un lieu de rencontres et d’échanges !

Tout ceci n’a coupé l’appétit de personne, et tous ceux qui l’ont souhaité ont pu se caler l’estomac de salades et de gâteaux arrosés de vin des faucheurs (et autres), de jus de pommes ou de café. Tour de force, tout le monde a pu manger bio à sa faim pour un prix défiant toute concurrence et il n’y avait pour ainsi dire aucun reste. 

Trois ateliers l’après-midi : « Action citoyenne et luttes sociales » ; « Produire et travailler autrement » ; « Quel autre système économique et financier ? » ont permis de continuer à échanger autour d’alternatives possibles. Si le temps imparti n’a pas permis d’aller très loin dans des propositions concrètes sur le plan de la vie quotidienne de chacun, ni sur un plan régional ou planétaire, une dynamique semble bien s’être créée : la rencontre du 26 mai faisant suite à cette journée du 16 a réuni une trentaine d’associations et d’individus citoyens qui ont la ferme intention de se revoir pour continuer à débattre et se former ensemble pour construire une société « de gauche ».

Sabine Gauthier.

Atelier « Quel autre système économique et financier ? »

Rédigé par Marie-Laure Jarry

Il faut mettre en place un autre système ! Mais en connaît-t-on un autre ? Sur quel modèle s’appuie-t-on ? Comment faire quelque chose que l’on n’a jamais fait ? Comment se mettre d’accord ? Comment amener les gens à envisager un autre système ? Une chose est sure : le capitalisme est illégitime, il détruit la planète, accentue les inégalités et est contrôlé par les rentiers. Mais il ne faut pas sous-estimer la difficulté à changer les choses en profondeur : le poids des structures et des traditions est lourd, nous sommes héritier d’un passé.

Réflexions & propositions

Prendre conscience du fonctionnement actuel passe par l’éducation, apprendre dès l’enfance à vivre autrement, à se détacher du consumérisme. Il faut développer notre sens critique.

Un nouveau modèle doit prendre en compte l’aspect environnemental jusqu’ici sacrifié. La nécessité du partage des richesses peut guider la mise en place d’alternatives. Il existe ici et là des tentatives d’alternatives au capitalisme mais il n’y a pas de modèle transposable en tant que tel : on peut utiliser des expériences mais elles demandent toujours une adaptation. Les modèles clé en main sont une tromperie.

Des initiatives existantes vont dans le bon sens (AMAP, agriculture bio) : Il faut soutenir davantage ces projets, les développer et les améliorer. La mobilisation autour de ces actions est fondamentale. Toutefois le changement passe nécessairement par le niveau politique, car il faut faire évoluer les réglementations pour une régulation de la société : les échanges "sauvages" sont toujours favorables au plus fort. Le passage par l’organe politique est donc incontournable pour un réel changement global à toutes les échelles (locale, nationale, internationale…). Evidemment, le changement politique passe aussi le mouvement social.

La gestion démocratique existe-t-elle vraiment ? Dans les entreprises la démocratie n’existe pas, il n’y a pas de légitimité démocratique du capital. De plus les dirigeants ne sont pas élus mais désignés, les actionnaires sont décisionnaires par le pouvoir de l’argent ! Le changement passe par l’interrogation de cette domination du capital. Il faut élargir les systèmes d’autogestion comme les SCOP.
Et est-on vraiment dans une société démocratique ? Quelle démocratie dans l’Etat ? Comment construire cette gouvernance et former les citoyens ? Il faudrait revenir aux bases de l’éducation populaire. Nous ne sommes pas tous égaux devant la participation démocratique. Il est important d’organiser des débats, des forums… les gens sont en attente face aux questionnements actuels. La discussion développe le sens démocratique, c’est se saisir de son destin.

La question des luttes sociales est importante : comment faire pour rendre les grèves plus efficaces ? Mettre en place de nouvelles actions plus offensives. Si cela est nécessaire, passer dans l’illégalité pour faire bouger les choses ; mais cela nécessite d’être vraiment unis. Dans un premier temps se réapproprier les outils de production, de travail, les biens communs. Puis développer de nouveaux rapports en supprimant la compétition et l’individualisme.

La justice sociale est également une question fondamentale. Il faut être en phase avec le monde. Or, où est l’équivalence entre un pauvre en Europe et un pauvre d’un Pays du Sud ? Nous sommes toujours dans une société esclavagiste ou l’on pille les pays pauvres. Il faut remettre en cause le libre-échange et réexaminer la notion de protectionnisme pour favoriser un équilibre mondial.

Nous devons revenir au local mais pas à l’autarcie. La question du territoire est primordiale : comment appréhender l’Europe ? Elle nous impose des contraintes mais en même temps, elle nous permet d’être plus fort face aux autres pays. Comment mieux coordonner les territoires ? Pour que se comprendre et trouver des solutions adaptées ? Car on vit AVEC et DANS le monde !

Notre société privilégie le gain immédiat ; du côté du consommateur comme de l’Etat. L’actionnariat veut dégager du profit rapidement. Nous devrions investir davantage dans la recherche et développement, dans le progrès humain, culturel et l’éducation et pas uniquement dans le progrès technique. On oublie que l’investissement permet d’envisager l’avenir à long terme. Mais les politiques sont élus sur des courtes périodes (présidence à 5 ans)

Atelier « Produire et travailler autrement »

Rédigé par Alexandre Lardeur

Un premier tour est effectué dans l’assemblée pour déterminer les thématiques que chacun souhaite aborder au cours de l’atelier. Même s’ils ne sont pas tous abordés, il peut être intéressant de les lister :

Le rapport entre la production et le salaire : quelle est la justification de la rémunération des gens et qu’est-ce qui entraîne de tels écarts dans les salaires ?
La concurrence est-elle indispensable dans le travail ? Est-elle remplaçable par plus de coopération et de solidarité ?
Quelle valeur donner au travail ? Ses liens avec la créativité ? Combien faut-il d’argent pour être heureux ?

La discussion commence autour de la notion même du travail : le travail implique un lien de subordination, sans aucune démocratie dans la prise de décision au sein de l’entreprise. La rémunération est liée à une fonction et non à l’humain, avec des notions de productivité et de réussite qui excluent une partie de la population. Exemple : peut-on produire de la richesse avec le handicap ? Dans le système actuel cela n’est pas possible, car pas rentable. Il faut pourtant accepter que le travail en situation de handicap soit considérer comme un investissement négatif, et participe au fonctionnement de la société sans forcément créer de richesses.

Changer notre vision du travail, c’est avant tout changer notre mode d’éducation : une éducation trop axée sur le travail, la productivité et la réussite matérielle mène malheureusement aux dérives observées actuellement. En assortissant cette éducation d’une éducation populaire, on peut aussi forger l’esprit critique des gens, et leur permettre d’envisager d’autres modes de vie et de travail. C’est également en permettant une orientation tout au long de la vie que l’on change cette vision du monde du travail (contraignant, stressant, obnubilant...).
Il faut donc favoriser l’évolution dans les carrières et la sensibilisation au changement d’orientation et à la formation tout au long de la vie.
Il faut également encourager fortement à la pratique d’activités liées à l’éducation populaire, qui permettent de voir le travail comme un moyen d’épanouissement personnel.

Dans le travail même, il faut soutenir les démarches des coopératives ouvrières et des coopératives d’emploi qui se développent. Dans ces structures la démocratie est au cœur de la vie des employés : un employé = une voix dans le processus décisionnel de la vie de l’entreprise. Aller voir le site de la fédération française des coopératives ouvrières : http://www.scop.coop/P193_FR.htm .

De cette vie orientée vers le travail et la productivité découle la surconsommation : la responsabilité est collective, même si l’accumulation de richesses entre peu de mains accélère la destruction de la planète. A cette surconsommation s’ajoute une monétisation du vivant avec la question des brevets (avec l’exemple des semences OGM).

Que faire ?

De la discussion ressortent plusieurs propositions d’actions, et ce à plusieurs niveaux :

Tout d’abord il apparaît primordial d’encourager à consommer mieux, et local ! Avec une relocalisation des activités liées à l’agriculture et au maraîchage, il y possibilité d’encourager une consommation responsable ainsi que des emplois plus respectueux de l’environnement. Il y a aussi possibilité de permettre des emplois plus en phase avec la nature et plus épanouissant. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, des ponts entre les associations ainsi que par la mise en valeur de structures existantes, comme l’AMAP par exemple.
Mais si on veut valoriser une consommation locale, il faut aussi pouvoir intervenir à un plus haut niveau dans l’objectif d’obtenir plus de terres cultivables destinées au maraîchage ou à l’agriculture biologique. Il faut donc également créer des passerelles entre les organisations pour faire pressions sur les collectivités afin d’obtenir des terres cultivables, qui manquent cruellement localement. Une autre piste serait aussi la création d’une antenne de l’association « Terre de Lien », association qui se développe actuellement en France et dont l’objectif est de changer le rapport à la terre : http://www.terredeliens.org . L’idée serait donc de créer une société civile immobilière permettant de favoriser l’achat de surfaces agricoles bio ou en reconversion vers le bio.
De là, tout un travail de sensibilisation du grand public pourra être engagé, avec une part d’éducation à l’alimentation qui paraît indispensable aujourd’hui.

Atelier « action citoyenne et lutte sociale »

Rédigé par Bertrand Lacoste

Un constat préoccupant

On assiste à la fois à une radicalisation des luttes et des attentes d’une partie importante de la population et à une résistance déterminée de la part de nos dirigeants qui imposent leurs réformes et leur programme impassiblement. Les luttes prennent des aspects très fermes : maintien sur site de cadres ou de patrons, résistances citoyennes, présence spectaculaire et inégalée dans les cortèges (20 000 à Orléans le 19 mars). Face à cela, les gouvernants opposent l’inflexibilité dans leur démarche de destruction des protections sociales et du secteur public et la pénalisation des mouvements citoyens et syndicaux.

La réponse politique ou syndicale face à cette offensive antisociale et destructrice n’est pas à la hauteur des enjeux. Certes, l’unité syndicale est appréciable .Mais elle débouche sur des propositions décalées par rapport au niveau de mécontentement de tous ceux qui subissent les conséquences des mesures de délocalisation des entreprises privées ou/et la dévastation des services publics ( enseignement, transports, santé etc).

Tous déplorent l’incapacité des syndicats et de l’opposition (?) à organiser une riposte cohérente et efficace pour répondre à une offensive globale et réfléchie. Le scepticisme et la déception gagnent du terrain en même temps que les luttes se durcissent en raison d’un désespoir croissant, lié à l’atomisation des forces et à la dispersion des luttes. L’organisation de pique-niques ou de manifestations bimensuelles(ou/et le 1 mai) apparaissent davantage comme des dérivatifs à la colère ambiante que comme des initiatives permettant de créer un rapport de force significatif et efficace pour inverser le cours des choses.

La nécessité de combiner une réponse sociale et des perspectives politiques interroge sur l’ordre des priorités ou la méthodologie : fédérer les luttes autour de plates-formes revendicatives communes à tous les secteurs concernés, ou investir l’espace politique pour le resocialiser...?
L’importance du combat médiatique apparaît à travers le surinvestissement dans les divertissements (détournement et amusement) orchestrés par le pouvoir, la primauté donnée aux sphères émotionnelles et pulsionnelles dans l’information, et la confiscation des médias par la droite et son leader Nicolas Sarkozy.
Le déséquilibre dans le rapport de force actuel résulte également de l’abandon ou de la faiblesse du combat idéologique menée par la « gauche ». Comme elle s’en vante elle-même, la droite a gagné la bataille des idées en martelant, sans véritable opposition ou contradiction, ses idées (individualisme, bienfaits du profit, privatisation etc) depuis des décennies à travers ses clubs de réflexion, ses lobbies et ses relais médiatiques.

Des perspectives à construire unitairement

Tous les participants à l’atelier expriment, sous une forme ou sous une autre, la nécessité de se donner des outils pertinents et percutants dans un souci permanent d’unité. Plate-forme commune, convergences dans les luttes, réponse globale, on retrouve sous des appellations différentes une même préoccupation : agir ensemble, exclure les réponses sectaires, isolées et parcellaires. Tous souhaitent allier l’action spectaculaire ou médiatique avec l’efficacité du terrain. La question du mode de communication s’est posée de façon insistante : contacts avec les journalistes qui partagent notre sensibilité, création de blog etc.

Il s’agit de trouver un équilibre organisationnel entre la spontanéité et la structuration, et une articulation revendicative entre les urgences pressantes et la nécessité d’un combat durable. Il s’agit, encore, d’associer toutes les énergies et les forces collectives ou individuelles pour s’impliquer tous ensemble dans des combats convergents en évitant les comportement hégémoniques ou récupérateurs, les querelles d’ego ou de clan assez décourageants en général.

On pourrait ainsi, selon le consensus apparent, constituer une structure commune entre tous ceux, organisations, partis, syndicats, associations, citoyens non organisés qui sont attachés à des idées communes, des biens à préserver collectivement, des valeurs partagées. L’appellation de cette structure est indifférente même si un certain consensus s’est fait autour de l’idée de « réseau ». Il serait animé par un bureau collégial et tournant. Il définirait des priorité d’actions autour desquelles toutes les autres composantes mèneraient une mobilisation commune. Il s’agirait de définir ces priorités en les inscrivant, certes, dans un objectif général mais de façon suffisamment concrète et ciblée pour permettre des victoires intermédiaires.

L’objectif est de sortir de la résignation ou de l’incantation pour signifier que la lutte unitaire et clairvoyante paie.