Attac 45 rend leur dignité aux banques ! (déc. 2010)

Un groupe de travail sur les banques s’est constitué au sein d’Attac 45. Il se donne pour but d’une part d’informer sur les agissements des banques (par des actions diverses) et d’autre part d’en savoir plus sur les alternatives possibles au système classique. Le projet suivant a été élaboré dans le cadre de ce groupe de travail...

Fin 2010, Attac 45 a reçu par voie postale une invitation d’une grande banque à participer au "Grand Concours départemental 2011 des Associations", afin de faire financer un projet associatif. Préoccupés que nous sommes par la mauvaise réputation actuelle des banques, nous avons décidé de déposer une action à visée pédagogique, tendant à rendre au système bancaire sa véritable place : la plus haute ! Nous ne doutons pas de remporter les suffrages du jury ; rendez-vous en mars. Vous trouverez l’intégrale de notre projet ci-dessous. Bonne lecture...

(Note d’avril 2011 - Cruelle déception ! La Société Générale nous annonce par courrier que notre projet n’est pas retenu ! Tous nos espoirs de créer des liens de confiance et de bonne intelligence avec le monde bancaire s’écroulent.)

« Rendre leur dignité aux banques »

Projet ATTAC 45 pour le Grand Concours départemental 2011 des Associations de la Société Générale

1) Origine et historique du projet

L’origine de ce projet réside dans l’évolution de la situation financière internationale.

En effet, depuis 2008, l’image du monde bancaire et de ses pratiques, qui était déjà passablement dégradée, n’a fait que se détériorer. Amalgame entre banques de dépôt et banques d’affaires, utilisation de l’épargne individuelle à des fins de rentabilité financière, passerelles toujours plus nombreuses avec les paradis fiscaux, absorption sans complexe du renflouement provenant des deniers publics ; et, en fin de compte, rôle central dans l’écroulement du château de cartes financier qui s’est déclenché avec la crise des Subprimes, contaminant l’ensemble de l’économie mondiale et provoquant des dégâts sociaux (ralentissement général du cycle production-consommation, chômage et précarité, baisse des acquis de la protection sociale) dont on n’est pas près de voir la fin...

On comprend la mauvaise humeur générale, en France comme ailleurs, face au monde bancaire dans son ensemble, et qui s’est déjà manifestée à de multiples reprises, sous des formes différentes suivant l’endroit. Une bonne partie des employés des banques eux-mêmes, qui n’ont aucun pouvoir sur la conduite de leur vie professionnelle (voir comment le métier de conseiller a été transformé en vendeur de produits opaques), n’en peuvent mais d’être considérés comme des instruments au service de la grande finance !

C’est dans cette ambiance délétère que naît notre réaction : la noble idée de mutualiser de l’argent pour permettre à la population de financer des projets (le rôle d’une banque, donc) ne doit pas couler corps et biens, tel un vulgaire Lehman Brothers.

2) Description du projet

Ce projet revêt la forme d’un Happening, mais il pourra se reproduire autant de fois que nécessaire (1).
Il se déroule dans le centre d’Orléans. Bien que notre propos ne soit pas de favoriser une banque plutôt qu’une autre, nous prenons en compte le fait que la Société Générale sera (peut-être) notre principal financeur ; ainsi il nous semble correct qu’elle apparaisse en tant que telle à plusieurs reprises dans notre dispositif.

En amont du happening : nous proposons qu’un cocktail soit organisé à destination des forces vives locales (listing en cours d’élaboration), et ce à l’intérieur de l’agence de la Société Générale (rue de la République). Un tapis rouge permettra le moment venu à l’assemblée de rejoindre la place du Martroi. La liesse populaire, préalable nécessaire à tout acte d’adhésion intellectuelle et psychologique, sera motivée par l’annonce, par voie de médias, de distribution de billets de banque (2).

Dispositif place du Martroi : une scène drapée, ayant pour fonction de renforcer l’aspect solennel, voire civique, de la cérémonie. Son aspect central et circulaire permettra d’utiliser la configuration de la place au mieux et de comptabiliser un maximum de spectateurs.

Sur scène : quatre personnages. Le personnage principal sera un homme du sérail, ayant suffisamment de légitimité pour intervenir dans ce contexte ; nous prévoyons un directeur de banque (3). Celui-ci aura pour tâche, micro à la main, de convaincre l’assistance du bien-fondé de l’action des banques et de la toute-puissance de la finance dans ce monde.

« Peuple, l’argent est ton maître et tu dois te soumettre, ça n’est pas lui qui t’appartient mais toi qui lui appartiens, il te rendra libre et heureux si tu acceptes la parole que répandent ses prédicateurs, eux-mêmes soumis à la volonté souveraine, car la peur et l’envie sont bonnes conseillères ; baisse la tête, ne regarde point sur les côtés ni en arrière, n’écoute pas les langues de vipère qui prétendent qu’un autre monde est possible ; car la justice et la solidarité sont les illusions de ce monde. En vérité, c’est par le risque, la remise en cause de tes méprisables acquis, et la course perpétuelle qui nous rapproche du hamster dans sa cage, que tu pourras accéder au confort individuel, à la rente, sans jamais te demander d’où provient in fine cet argent que tu nommes intérêt. Tout ceci sauf accident de parcours, bien entendu. »

Le paragraphe qui précède est une synthèse, dans l’esprit, du texte qui sera fourni au prêcheur ; étant bien entendu, si une sommité du monde bancaire accepte de tenir la place, qu’elle aura toute liberté pour l’enrichir et l’ajuster ; il n’est pas dans notre objectif de nous substituer à ceux qui détiennent la connaissance.

La scène sera partagée à égalité entre le Directeur et trois autres personnages, qui se présenteront. Ils sont venus expier leur vie passée et se convertir au monde révélé par la Parole (4).
 Le premier personnage est américain. Il aura lors de la cérémonie la révélation que c’est bien la finance qui l’a ramené sur le droit chemin de la vie au grand air qui redonne force et santé, qui replace l’homme au milieu de la nature, loin de l’air vicié des grands ensembles, loin des tracas sordides d’une existence qui a oublié les vraies valeurs. Il sera choisi parmi les centaines de milliers de victimes de la crise des subprimes, qui du jour au lendemain se sont retrouvés expulsées de leur logement quand ils n’ont plus pu rembourser leur crédit immobilier.
 Le deuxième personnage est anglais. Auparavant retraité vivant à l’écart du monde du travail, il aura la révélation que ce n’est pas l’oisiveté ni l’épanouissement personnel, mais la finance qui l’a aidé à se réinsérer et à retrouver une véritable utilité sociale. Il fait partie de ces nombreux retraités qui, obligés de placer leur argent dans un fonds de pension privé, ont été ruinés quand la crise a fait s’effondrer le cours de leurs actions. Ainsi ont-ils dû retourner au travail et repousser d’autant l’âge du repos.
 Le troisième personnage est grec. Il aura la révélation que c’est non pas par l’éducation et le voyage que lui est venue la conscience d’une citoyenneté européenne, mais bien par l’immensité du pouvoir de la finance : c’est à elle que bénéficient les diktats néolibéraux de la Commission et de la Banque Centrale européenne, c’est à ses pieds que se prosternent les pays de l’Union européenne, dont les effets de la détermination sont aussi admirables que leur solidarité.

Le discours prononcé par le Directeur de la Banque provoquera chez ces trois personnes une prise de conscience de leurs erreurs passées, concrétisée par des manifestations de ferveur propres à ceux qui renaissent à une nouvelle vie : flagellation avec des liasses de billets, témoignage de leur passage de l’ombre à la lumière, roulades par terre (5)... Aucun effet ne doit être laissé de côté afin de démontrer le bien-fondé du plaidoyer de la Banque.

NB 1 – L’ambiance musicale, diffusée par enceintes, sera l’Hymne à la joie (hymne de l’Union européenne).

NB 2 – Nous sommes prêts, en fonction du budget alloué, à recouvrir la statue de Jeanne d’Arc, ici peu appropriée, par un DAB (Distributeur Automatique de Billets) géant.

3) Objectif du projet

Nous avons décidé, à contre-courant de la très grande majorité de la population, d’essayer de rétablir la confiance envers les banques en montrant le caractère indiscutable et indispensable de la Banque et de la finance dans le fonctionnement harmonieux de la vie des hommes. Quoi de mieux que l’éducation populaire sous forme d’un spectacle ? Instruire les foules en démontrant le rôle profondément citoyen, solidaire et « durable » des banques, tel est le but que nous nous proposons d’atteindre.

C’est en frappant l’assistance de stupeur par l’effet d’un événement artistique hardi que nous comptons opérer un renversement complet de leurs valeurs. Ce qu’ils abhorrent, ils l’aimeront, ce qu’ils subissent, ils y reviendront !
Et nous aurons le sentiment d’avoir accompli une tâche modeste mais essentielle, qu’il restera à répéter autant que possible (6).

4) Calendrier (date de lancement, date de mise en application, date d’achèvement...)

Nous nous proposons d’adopter une date symbolique : deux exemples parmi tant d’autres possibles, le 17 février (jour anniversaire de la nationalisation de la banque britannique Northern Rock) ou le 15 septembre (jour anniversaire de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers).

5) Aspects financiers

Afin de rester en harmonie avec la thématique que nous avons choisie, nous préférons conserver la discrétion sur cette question.
Disons simplement que nous comptons immédiatement faire fructifier l’argent que la Société Générale voudra bien nous allouer, en le plaçant dans des opérations qui savent utiliser la liberté qui leur est donnée : spéculations sur les monnaies, sur les matières premières, les assurances-vies et les hypothèques... Procédés qui ont montré leur parfaite efficacité, et dont nous aurions bien tort de ne pas nous servir dans notre œuvre d’éducation populaire et citoyenne !

Notes :

 1) En fonction du budget disponible, bien entendu.
 2) Vrais ou faux en fonction du budget alloué.
 3) Dans un souci de cohérence avec la présente demande de subvention, nous proposerons le rôle au directeur national de la Société Générale.
 4) Notons que le nombre de trois est parfaitement arbitraire ; il dépendra du budget disponible.
 5) D’autres accessoires et effets de mise en scène en option, en fonction des moyens disponibles.
 6) Nous sommes prêts à examiner toute subvention groupée qui nous permettrait de réaliser notre action à plusieurs reprises ; ne pas hésiter pas à nous consulter.