À Orléans, la politique sécuritaire continue, Par Mourad Guichard (décembre 2005) Publié dans Libération, 23 décembre 2005

À Orléans, la sécurité fait partie intégrante de la politique de la mairie et de la préfecture. On se souvient de l’arrêté municipal (à l’initiative du Maire Serge Grouard, UMP) interdisant la circulation des mineurs de moins de seize ans passé 21 heures, prise avant la mise en œuvre de l’Etat d’urgence du gouvernement. Seulement deux mairies avait décidée de le prendre, deux mairies UMP. Aujourd’hui, surfant sur la vague de peur que la crise des banlieues « a créé » au sein de la population, la ville et le préfet ont bien l’intention de continuer sur cette lancée.

À l’approche des fêtes de fin d’année, la police nationale, par le biais de son « chef », David Skuli, a lancé l’opération « anti hold-up ». Officiellement, cela aura pour but de dissuader les braquages et autres actions contre les commerces qui ont, à cette période de l’année, de fortes circulations de liquidités. Sur le terrain cela se traduira par une présence accrue de la police municipale et par des coopérations police nationale-police municipale. Présence qui, à force d’être routinière et assumée, aura pour effet l’acceptation de la population d’avoir une police municipale ancrée dans le paysage public de la ville. Rappelons que la police municipale n’a pas les mêmes attributions d’intervention que la police nationale. La loi no 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales en fixe pourtant les frontières : « ils sont chargés d’assurer l’exécution des arrêtés de police du maire et de constater par procès-verbaux les contraventions aux dits arrêtés. Sans préjudice des compétences qui leur sont dévolues par des lois spéciales, ils constatent également par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat ».

Ces conventions et autres coopérations sur la région orléanaise sont pourtant en train de pousser comme des petits pains, comme celle mise en place par la municipalité abraysienne. Le but ? Accentuer la présence des forces de l’ordre autour de deux lycées : le lycée Jacques-Monod et le point bus Léon Blum. Cette zone « attire une faune autour du lycée »2 déclare le maire Jacques Chevalier, « il est donc intéressant que l’on ait un accord avec la police nationale pour qu’une surveillance accrue soit mise en place sur ce secteur-là »2. De quelle faune parle-t-il ? Peut-être des jeunes qui ont brûlé les banlieues ces derniers temps... Beaucoup plus dangereux, le préfet André Viau considère la police municipale comme une force d’intervention aussi prédominante que la police nationale ou la gendarmerie « L’armé moderne, c’est la police nationale, la police municipale et la gendarmerie »2. On pourrait lui rétorquer que les polices nationale et municipale dépendent du ministère de l’intérieur et non du ministère de la défense et qu’il est donc mal venu de les nommer « armé moderne ».

Le plus frappant est encore le rappel systématique, colporté par la presse locale, du numéro de téléphone pour prévenir les actes répréhensibles. « Les forces de l’ordre et les commerçants ne doivent, cependant, pas être les seuls en alerte : gendarmes et policiers demandent le concours de chaque citoyen qui peut signaler tout comportement ou présence suspecte en composant le 17 » peut-on lire dans un article de la République du Centre du week-end du 17 décembre. Ou encore, le discours de David Skuli : « nous avons besoin de trois soutiens dans le cadre de cette opération annuelle [...], celui des commerçants,[...], celui des policiers municipaux [...], et enfin, celui de la population, qui doit nous signaler sur le « 17 » des mouvements suspects », dans la République du Centre du 9 décembre. Est-ce nécessaire de rappeler à une semaine d’intervalle qu’il existe le téléphone pour contacter les forces de l’ordre ? On peut aussi se demander comment la population traduira un « comportement suspects » ? Est-ce également nécessaire de faire paraître 4 articles sur « la sécurité » à Orléans en l’espace de 15 jours (un article le 6, puis le 9, encore le 17 et enfin le 19 décembre) ?

Cette politique sécuritaire (ultra ?) est bien évidemment la conséquence d’un état d’esprit qui considère les citoyens avant tout comme des suspects que comme des victimes d’un système qui opprime. Rappelons nous les propos de l’adjoint au Maire, Florent Montillot (UMP) : « la Ligue des droits de l’homme, j’y adhérerais volontiers si elle n’était devenue la Ligue de défense des coupables. ». Et de cela, nulle trace dans la presse locale...

Notes :

1 - La République du Centre - vendredi 9 décembre 2005 - p. 7

2 - La République du Centre - mardi 6 décembre 2005 - p. 20