Code du travail, chômage, retraites : ces réformes prêtes à êtres dégainées après les élections législatives par Thomas Clerget 1er juin 2017

mercredi 7 juin 2017

L’agenda social du Président Macron se remplit : d’abord, un approfondissement de la loi El-Khomri, touchant les salaires comme les conditions de travail et sa durée légale ; ensuite, une restructuration du système d’assurance chômage, avec le risque que celle-ci se transforme en protection minimaliste pour des travailleurs précarisés ; enfin une nouvelle réforme des retraites, potentiellement explosive. Sans oublier la refonte de la formation professionnelle et la suppression progressive de 120 000 postes de fonctionnaires. Basta ! fait le point sur ce qui attend tous ceux qui vivent de leur travail une fois passées les élections législatives.

Foncièrement impopulaire, la loi El-Khomri, en élargissant les possibilités de dérogation au code du travail par accord d’entreprise, a suscité le plus long et l’un des plus intenses mouvement social des cinquante dernières années. Qu’importe. Fraîchement élu président de la République, Emmanuel Macron est déterminé à en élargir – le plus vite possible – le champ d’application, à l’aide d’une nouvelle réforme, cette fois dictée par la voie des ordonnances. Et il ne compte pas s’arrêter là. Le nouveau pensionnaire de l’Élysée promet de restructurer deux autres piliers du compromis social tissé au sortir de la guerre : d’une part le système d’assurance-chômage, d’autre part celui des retraites. Avec en toile de fond, un double objectif : maîtriser les dépenses budgétaires et, s’agissant du code du travail, « simplifier la vie des entreprises » au risque d’augmenter encore le chômage et la précarité. En cinq ans, le nombre d’inscrits au Pôle emploi, sans activité ou en activité réduite, a bondi de 30 %, et concerne désormais plus de 5,5 millions de personnes [1].

Une nouvelle réforme du travail, version XXL

La vivacité de l’opposition à la loi El-Khomri avait suscité la consternation à Bruxelles : pour les fonctionnaires de la Commission, la réforme, qui concernait essentiellement la question du temps de travail, n’était qu’un minimum. Publiée le 9 août 2016, la loi travail consacre notamment la primauté de l’accord d’entreprise, qui peut désormais prévoir des dispositions moins favorables que la loi ou l’accord de branche – la fameuse « inversion de la hiérarchie des normes » – dans un plus grand nombre de domaines : durée maximale de travail hebdomadaire (qui peut désormais être portée de 44 à 46 heures sur douze semaines d’affilée), durée quotidienne (12 heures maximum au lieu de 10, toujours sur simple accord d’entreprise), ou encore taux de majoration des heures supplémentaires (10 % au lieu de 25 %)...

Les rémunérations sont aussi visées par la loi El-Khomri, via les « accords de préservation ou de développement de l’emploi », qui peuvent être conclus non seulement en cas de difficultés économiques mais aussi, désormais, pour « conquérir de nouveaux marchés » – on parle alors d’accords « offensifs ». Emmanuel Macron veut aller plus loin, et profiter de la légitimité issue de son élection pour taper vite et fort : une nouvelle loi travail, si possible bien plus ambitieuse que la précédente. Il compte étendre encore les possibilités de dérogation dans plusieurs domaines essentiels, en particulier les salaires ou les conditions de travail, relativement épargnés jusqu’ici. À ce jour, le contenu détaillé de ces mesures n’est pas arrêté – du moins officiellement. Il dépendra pour partie du futur rapport de forces avec les organisations syndicales, et du résultat des élections législatives.

Référendum d’entreprise et sécurisation... des licenciements

Au sein du code du travail, le gouvernement souhaite aussi renforcer plusieurs dispositifs contenus dans les dernières réformes. D’abord, le référendum d’entreprise. Suite à la loi El-Khomri, celui-ci peut être convoqué par des syndicats représentant 30 % des salariés (donc minoritaires), afin d’entériner un accord d’entreprise. Le gouvernement souhaite aujourd’hui étendre cette possibilité à la direction. Mis en place pour faciliter la production d’accords collectifs, les référendums sont très mal vus par les organisations opposées à la loi travail, qui y voient un moyen de contourner les représentants syndicaux, mais aussi un risque de division des salariés ou de chantage à l’emploi. Ainsi chez Novo Disk, un passage aux 39 heures payées 37 a récemment été validé par les employés, alors que les syndicats majoritaires étaient contre.

Autre mesure qui fait son retour : le plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou « licenciement abusif ». Une vieille demande patronale. Rappel : après un premier échec avec la loi Macron en 2015, la mesure revient l’année suivante par la fenêtre de la loi travail. Sous la pression des syndicats, elle y perd cependant son caractère obligatoire : le juge peut s’inspirer de ce « référentiel indicatif », mais n’y est pas contraint. C’est sur ce dernier point qu’entend revenir le président. Problème : les salariés ont peu à y gagner, et sans doute beaucoup à y perdre. Par exemple, si le barème actuel devenait obligatoire, un salarié en CDI depuis 18 mois et licencié de manière abusive, aurait droit au maximum à deux mois d’indemnités prud’homales… De quoi licencier à moindre frais ?

Enfin, dernier élément du train de mesures prévues pour l’été, la généralisation de la délégation unique du personnel (DUP), déjà étendue par la loi sur le dialogue social (loi Rebsamen) de 2015. Jusqu’ici, la DUP, qui permet – sur décision de l’employeur – de fusionner les trois instances de représentation du personnel (délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT [2]) en une seule, était réservée aux entreprises de moins de 300 salariés. Là encore, les syndicats « non-alignés » n’ont jamais été chauds : ils y voient un affaiblissement des instances, avec moins de moyens consacrés, en particulier pour les questions relatives à la santé et la sécurité des travailleurs. « Ces dernières vont perdre leur spécificité, être écrasées par l’impératif économique », juge ainsi Eric Beynel, porte-parole de Solidaires.

Délivrance uniquement sur ordonnances

Sur ces différents points, la méthode envisagée irrite déjà plusieurs organisations syndicales. Emmanuel Macron l’a dit et répété : il compte aller vite, et pour cela réformer le code du travail par la voie des ordonnances. Prévue par l’article 38 de la Constitution, cette procédure permet au gouvernement d’édicter des normes de valeur légale à partir d’ordonnances prises en Conseil des ministres. Au préalable, une loi d’habilitation doit être votée par le Parlement : elle fixe la thématique et la durée sur lesquels le gouvernement est autorisé à agir. Elle prévoit aussi un délai au terme duquel l’exécutif doit, sous peine de nullité des ordonnances, avoir déposé un projet de loi de ratification, permettant in fine au Parlement de valider (ou non) ces mesures.

Sur le calendrier précis, le gouvernement entretient un certain flou. Le premier ministre Édouard Philippe a annoncé, mardi 30 mai, une loi d’habilitation pour juillet, et une publication des ordonnances « avant la fin de l’été », donc avant le 21 septembre [3]... Formellement, la concertation avec les syndicats est prévue pour s’achever mi-juillet. Mais ces derniers, tout en étant pour certains prêts à se mobiliser, réclament a minima des échanges jusqu’à fin septembre. Pour l’instant, « tout le monde s’observe », commente Fabrice Angéï, membre du bureau confédéral de la CGT. Un chose est sûre : jusqu’aux élections législatives, qui donneront une idée plus précise de ses marges de manœuvre, le gouvernement n’a pas intérêt à donner l’impression de vouloir passer en force. Pour autant, même après les élections, il devra prendre en compte un calendrier qui ne s’arrête pas à la nouvelle réforme du travail.

L’assurance-chômage sous la coupe de l’État

Un embrasement dans les rues et dans les entreprises, comparable au scénario de l’année 2016, pourrait en effet compromettre la suite du calendrier social, dont la deuxième étape devrait être une profonde réforme de l’assurance-chômage. L’exécutif souhaite, en premier lieu, procéder à l’étatisation de cette caisse, gérée de manière paritaire depuis 1967 [4]. Dans quel but ? Officiellement, pour prendre acte du rôle de l’État dans sa gestion, celui-ci étant garant de son financement. Dans les faits, il s’agit d’abord pour le gouvernement de reprendre la main sur les paramètres d’indemnisation (durée, montant...) pour effectuer, le cas échéant, les ajustements jugés nécessaires. Ensuite, via un recours accru à l’impôt (la CSG), d’alléger la part des cotisations sociales dans le financement du système, avec le risque de glisser progressivement d’une véritable assurance-chômage à un « filet de sécurité » minimaliste, sur le modèle anglo-saxon...

Autre volet de la réforme, la couverture chômage doit être étendue à des catégories jusqu’ici non-protégées : auto-entrepreneurs, chefs d’entreprise, artisans et commerçants, professions libérales, ou encore agriculteurs. Un droit à la démission tous les cinq ans, permettant de toucher des indemnités, doit aussi être instauré. Des mesures présentées comme progressistes, mais dont le financement pose là-encore problème : d’après les annonces du nouveau président, il sera reporté sur les demandeurs d’emploi, via un renforcement des dispositifs de contrôle des recherches. Un corps de contrôleurs doit être créé pour assurer ces vérifications. Une nouvelle fois, le calendrier n’est pas précisément connu, mais ces réformes pourraient intervenir d’ici le début de l’année 2018.

Il en va de même pour la future réforme de la formation professionnelle, qui est aussi dans les cartons. Il s’agirait d’une petite révolution, puisque la gestion des financements pourrait échapper aux OPCA, les organismes paritaires chargés de collecter la contribution patronale, et revenir à la Caisse des dépôts et aux Urssaf. Les crédits seraient directement affectés aux comptes personnels de formation (CPF) des salariés, qui s’adresseraient ensuite eux-mêmes à des organismes de formation labellisés. Le système viserait à réduire les intermédiaires pour faciliter l’accès à la formation. Plus proche d’une logique de marché, il éloignerait aussi les représentants des salariés de sa gestion effective.

Les pièges de la retraite par points

LIRE LA SUITE

SOURCE BASTA !


Accueil | Contact | Plan du site | | Statistiques du site | Visiteurs : 654323

Suivre la vie du site fr    ?

Site réalisé avec SPIP 3.1.6 + AHUNTSIC

Creative Commons License