Intermittents du spectacle : et voici la rentrée, une de plus... par Christian Sterne (oct. 2003) Extrait de la Lettre d’attac 45 n°21, octobre 2003.

Comme d’habitude ? Semblable ?

Comme la plupart de tous ceux qui ont lutté depuis ce printemps, les « intermittents du spectacle » sont pour une grande majorité en grand désarroi, en plein drame cornélien. Grèves, blocages,… ou pas ? Manifs, débats… ?? Il y a nécessité de la poursuite du combat contre le nouvel accord illégal, inefficace et inique mais comment ?

(Désolé pour ceux qui connaissent mais suit un historique sommaire)

Depuis 1984, le régime spécifique des intermittents est sans cesse attaqué, remis en cause. Et en effet, les années se déroulant, l’audiovisuel et les nombreuses privatisations passant par là, le spectacle vivant irrigant de plus en plus banlieues, provinces et campagnes, les patrons des grosses productions (radios, télés, et cinémas) ne connaissant que leurs profits, les dérives se propageant doucement, il avait besoin d’être réformé.

Mais en 2001, enfin un accord dit FESAC (Fédération d’employeurs ET d’employés du spectacle et de l’audiovisuel) est signé pour servir de base de négociations à la réforme de ce maintenant fameux régime. La CFDT était signataire ! Ce qui ne l’empêche nullement de signer en 2002, avec le MEDEF au sein de l’UNEDIC, le doublement des cotisations chômage. Ceci pour atténuer l’accroissement du déficit. (Toutefois, il faut AFFIRMER haut et fort que le calcul du déficit et sa comparaison avec le régime général procèdent d’une vulgaire et totale désinformation.)

Ces négociations et mesures n’ont servi qu’à traîner pour que le nouveau gouvernement se mette en place et opine du MEDEF. Le nouveau protocole que le MEDEF a fait signer à la CFTC, la CGC et la CFDT le 27 juin dernier est un accord qui n’a plus rien à voir, à terme, avec la pratique de l’intermittence. Pari gagné pour les patrons qui voyaient d’un très mauvais œil d’autres catégories d’ouvriers lorgner du côté de ce dispositif .

Dans la droite (!!) ligne du gouvernement, J-J. Aillagon se cabre et juge avoir sauvé « l’intermittence ». Plutôt que de se le faire expliquer, il propose de l’appliquer en 2 temps. Ridicule et inutile ! Cet amendement est approuvé début juillet puis définitivement agréé début août.

SAUF que dans l’intervalle, les « Intermittents et précaires d’Ile-de-France » ont bien lu, eux, ce protocole. Devant en particulier une monstruosité au sujet de la « franchise », quelques lignes sautent ! La CFDT n’avait rien vu (ou lu ?). Entre juillet et août, textes et signatures sont donc différents ! D’où l’ILLEGALITE de cet accord. Et, si on lit bien cet accord, nous remarquons que c’est la globalité perverse de ses articles qui est irrecevable et féroce, et non pas la seule réduction de 12 mois à 11, ou 10,5.

Car il est beaucoup plus complexe que l’actuel (!!!), illégal (cf ci-dessus), inique (deux personnes travaillant à temps et salaires identiques peuvent recevoir des indemnités vraiment différentes, au seul motif de quelques jours de décalage !, totalement inefficace quant aux défauts dénoncés antérieurement (abus, travail non déclaré, déficit…). Les seuls objectifs fiables de cet accord sont dans un premier temps l’exclusion progressive de quelques milliers de personnes (que nous retrouverons au RMA) puis, devant l’inefficacité de ces annexes relookées, la suppression pure et simple à terme du régime des intermittents.

Cette stratégie illustre, une nouvelle fois, que le MEDEF agit (et réussit) pour que les travailleurs soient de plus en plus corvéables à merci, et que l’argent public prenne en charge investissements, solidarités et déficits afin de récupérer les profits à son seul bénéfice !
Même si les « actualités » ont été émaillées, cet été, d’annulations, de perturbations de festivals et de forums en tous genres ;
Même si les coordinations de professionnels du spectacle vivant (et de l’audiovisuel) ont continué et continuent leurs réunions, rencontres ;
Même si ce mouvement s’est associé à d’autres luttes et mouvements ; à l’heure actuelle, le MEDEF et son vassal, le gouvernement Raffarin, sont en passe de « gagner », et encore de façon très arrogante.

Malgré cela, nous osons encore espérer. Car :
 Face à la grande majorité des partenaires culturels et du SYNDEAC (syndicat des grands établissements subventionnés par le ministère), le ministre a renoncé à tout son programme de rencontres régionales ;
 Des recours vont être déposés ;
 La mobilisation va peut-être s’élargir à nouveau après la rentrée et grâce à l’information horizontale.

A Orléans, des actions et permanences ont eu lieu tout l’été. Le journal « Appels » a été diffusé et l’est encore. L’accueil des « marcheurs du Larzac » fut un temps fort de ce début septembre. Les assemblées plénières continuent au rythme bi-hebdomadaire avec des rencontres interprofessionnelles. Des interventions au cours des ouvertures des structures et des saisons culturelles entretiennent la flamme et l’info.

Oeuvrer activement pour que des référés puissent être déposés avant le 31 décembre, expliquer, expliquer et expliquer, tenter de rassembler, entretenir et développer les solidarités, solliciter les soutiens, participer aux forums sociaux, etc, sont pour l’instant les fils ténus de l’espoir de voir triompher le droit, la justice sociale, la dignité humaine… et surtout pour obtenir l’abrogation de l’ordonnance de cet agrément. Les luttes actuelles sont déterminantes pour le choix de société. Acceptons-nous de laisser sur le bas-côté quelques milliers, millions d’individus ? Voulons-nous vraiment partager les richesses, qu’elles soient naturelles, scientifiques, culturelles, médicales, industrielles, alimentaires, artistiques ?

Ce seront notre détermination créatrice, notre attitude responsable et solidaire qui apporteront crédit, clarté, convergence et finalement sens à nos débats et à nos actions.

Christian Sterne

Comédien, metteur en scène, directeur de la compagnie les fous de bassan ! Intermittent par nécessité et non par choix.